Aanté : l’équipe bordelaise qui a inventé la traçabilité des implants médicaux
Le récent scandale des dispositifs médicaux met en lumière la difficulté d’identifier la provenance des prothèses ou implants, et leur probité. Une société Bordelaise a trouvé la solution
Il faut écouter Laurent Olivier, qui décrit le mode opératoire des équipes médicales, lors de la pose d’une prothèse, d’un implant dans le bloc chirurgical.
Évidemment, sur le plan purement clinique, le patient est entre de bonnes mains. En revanche, l’objet que les médecins lui implantent, prothèse de hanche, de genou, pacemaker, implants mammaires, etc., sont la plupart du temps d’origine inconnue. Oups !
SANS ETRE TROP REGARDANTS
Laurent Olivier est informaticien et cofondateur de la société Ehtrace , à Bordeaux, qui a inventé et entame la vente de la première solution de traçabilité des implants.
Récemment, le Consortium international des journalistes d’investigation a révélé une incongruité autour de ces dispositifs médicaux. Une enquête, publiée notamment dans « Le Monde », explique que pour commercialiser en Europe un implant, un pacemaker ou une prothèse de hanche, par exemple, les fabricants devaient obtenir une certification CE. Or, selon les enquêteurs, une soixantaine d’« organismes notifiés » privés fourniraient ce précieux sésame , « sans être trop regardants », en échange d’une rémunération, sachant que les résultats d’études cliniques sur l’être humain n’étaient pas toujours demandés en préalable.
L’information est rarement complète
Qu’en pense Laurent Olivier ? « Il y a un flou autour de la lisibilité des codes-barres présents sur les implants. Les équipes soignantes sont obligées de donner au patient et de noter sur son dossier la provenance et les codes de référencement de l’implant. En réalité, plus de 50% des dossiers médicaux sont incomplets ou non conformes. Ce n’est pas moi qui le dis, mais une enquête du ministère de la santé datant de 2014. Par ailleurs, 70% des patients n’ont pas l’information complète concernant l’implant posé dans leur corps, ni le nom du fabricant, ni le numéro de lot. Il faut savoir que la moitié de ces informations de traçabilité sont ressaisies juste après l’opération, à la main par l’infirmière de bloc, assorties d’une étiquette, avec report manuel du numéro de lot. Un acte chronophage avec un gros risque d’erreur. »
« Devenir des experts »
Donc, non seulement l’enquête du consortium de journalistes a mis à jour la faillibilité des implants, mais Laurent Olivier, lui, a ajouté la faillibilité de la retranscription des données. D’où l’urgence de trouver et proposer une solution numérique, facile d’utilisation et… infaillible.
Laurent Olivier, a donc créé Ehtrace, il y a trois ans, avec Christophe Le Borgne et Laurent Riffard. Objectif ? « Devenir les experts en France et à l’international en développement de solutions informatiques et de traçabilités innovantes dans le secteur de la santé. En gros, répondre aux paradoxes de notre système de santé.
« Il s’agit pour les professionnels d’avoir toutes les informations claires sur l’implant qu’ils vont s’apprêter à poser, en temps réel, c’est-à-dire sur la table d’opération, via une tablette, puis pour les établissements de santé de se réapprovisionner au fur et à mesure. Plus de risque d’erreur de retranscription, puisque tout se fait directement de la tablette au dossier patient.
« Le traceur permet de décoder le code-barres et de partager cette information entre médecin et patient. Si jamais l’implant est, pour une raison ou une autre, douteux, une alerte s’affiche sur la tablette, via un vibreur. La question de la fiabilité n’est plus un problème. »
Une base de données
Il suffisait d’y penser. Toutes les informations sont verrouillées, ultra-sécurisées. Le porteur de prothèse, ou d’implant va désormais avoir enregistré sur son dossier toutes les références décryptées de son dispositif médical. Si jamais il doit subir une nouvelle intervention, l’équipe chirurgicale suivante travaillera en connaissance de cause.
De plus, cette solution Ehtrace va permettre de collecter des informations à long terme sur les implants, d’en connaitre leur durée de vie réelle – aujourd’hui, ça reste très approximatif. Soit une base de données qualitatives, de fiabilités, à l’échelle nationale, puis européenne. Déjà la solution Ehtrace, de Bordeaux, équipe une trentaine d’établissements de santé publics et privés en France.